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L'art de la joie ou la force de vivre sans condition
"Pauvre, et je dois me rendre forte en lisant et en étudiant, en cherchant en moi et chez les autres la clef pour ne pas succomber. Il y en avait eu tant qui, nés pauvres, s'étaient sauvés par l'intelligence et la force que donne le savoir... Là, devant moi, en rang dans l'immense bibliothèque, ils montraient leurs noms brillant au dos brun et or de tous ces volumes." Née le 1er janvier 1900 au cœur de la Sicile, Modesta (qui porte très mal son prénom) commence une vie qui s'annonce misérable. Cependant, portée par l'intuition qu'elle sera destinée à une vie brillante, elle laissera sa volonté infaillible la guider. Alors, dans les plus grandes souffrances se trouve une joie - celle de vivre vraiment. A force de manigances et de détermination, d’apprentissage en apprentissage, Modesta parvient à atteindre son épanouissement le plus complet : sexuel, intellectuel, matériel. C'est de sa vie entière dont il est question dans ce roman, bouleversée par les violences extérieures (le fascisme, entre autres) et les tourments intérieurs. Si ce chef-d’œuvre de la littérature italienne peut être long à lire en général, désobligeant pour les lecteurs habitués à des récits unifiés et conformes, il reste un bijou. En valorisant l'intelligence sensible avec une écriture poétique et subversive, c'est un livre qui dénonce le besoin de liberté dans un vingtième siècle des plus absurdes. Que dire après lecture de L'Art de la joie ? Tout y est épuisé. On peut le lire à l'aune des féminismes contemporains, ou encore de la nécessité d'une attention sensible au monde, et le réel nous apparaît avec plus de lucidité. Lire ce roman-fleuve, c’est à la fois philosopher, refaire l’Histoire des mœurs, se bercer d’un récit peu commun, et ressentir. Si vous cherchez à être marqué ou à être secoué, l'Art de la Joie vous fera vivre bien des émotions ! J’ai aimé ce livre pour l’avoir longtemps attendu; on me la conseillé avec la promesse que j’allais y trouver plus que de la joie mais aussi la compréhension de ce que l’on peut appeler l’art de vivre. Goliarda Sapienza est une autrice connue pour son caractère subversif ; elle a notamment raconté son expérience en prison dans le livre L’Université de Rebibbia. Elle a plutôt écrit ce qu’on peut appeler «récits de vie».
Chloé M. bibliothécaire - Le 27 octobre 2023 à 18:05